Le 5 juinth2018, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt qui accorde aux conjoints de même sexe la liberté de circulation partout dans l’UE, même si le pays n’a pas encore légalisé le mariage entre personnes de même sexe.
Il s’agit d’un arrêt sans précédent, puisque 6 des 28 pays de l’UE n’ont pas encore légalisé le mariage entre personnes de même sexe. Les couples homosexuels ne sont pas reconnus dans ces pays et ne correspondent pas à la définition du mariage.
Toutefois, un couple a permis à cette décision d’être adoptée. Adrian Coman, citoyen roumain, et son mari, l’Américain Clai Hamilton, se sont rencontrés aux États-Unis en 2002. Quatre ans plus tard, ils se sont officiellement mariés à Bruxelles. Ils ont continué à vivre dans cette ville car Hamilton travaillait au Parlement européen.
Récemment, le couple a décidé de s’installer dans le pays natal de Coman, la Roumanie. Hamilton a essayé d’enregistrer son passeport et de devenir un membre de la famille dérivée de Coman afin qu’ils puissent tous deux vivre dans le pays. Cette démarche a été rejetée par les autorités roumaines, car le pays ne reconnaît pas le mariage entre personnes de même sexe et ne peut donc pas accorder le statut de membre de la famille à Hamilton.
Les autorités ont déclaré que Hamilton ne pouvait pas rester dans le pays plus de 90 jours. En tant que citoyen américain, il n’aurait pas besoin d’un visa Schengen, mais le délai était néanmoins trop court.
Le couple n’était pas d’accord et a poursuivi la Roumanie au motif qu’elle violait le droit d’un citoyen de l’UE de vivre n’importe où dans les 28 pays qui composent l’Union. L’affaire a été portée devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), qui a statué en faveur des Coman et des Hamilton.
Dans l’affaire communiqué de presse la CJCE a déclaré :
« Bien que les États membres aient la liberté d’autoriser ou non le mariage entre personnes du même sexe, ils ne peuvent pas entraver la liberté de séjour d’un citoyen de l’UE en refusant d’accorder à son conjoint de même sexe, ressortissant d’un pays qui n’est pas un État membre de l’UE, un droit de séjour dérivé sur leur territoire »
Le tribunal de l’UE a déclaré qu’un droit fondamental d’un citoyen de l’UE est le droit de vivre dans n’importe quel pays de l’Union. Si un pays n’autorise pas son conjoint à vivre avec lui dans le pays de son choix, cela découragera le ressortissant de l’UE et limitera sa liberté de circulation. S’agissant d’un mariage entre personnes de même sexe, cette interdiction découragerait les ressortissants de l’UE de vivre et de travailler dans les pays de l’UE qui ne sont pas favorables à ce type de mariage. La Cour a donc conclu que cette interdiction violait les droits des ressortissants de l’UE.
En outre, le droit à la liberté de circulation inclut le conjoint du ressortissant de l’UE. La Cour a fait valoir que le mot « conjoint » est neutre et qu’il est défini comme « une personne unie à une autre par les liens du mariage », et qu’il inclut donc également les couples de même sexe.
Enfin, la Cour a noté que la relation d’un couple homosexuel relève de la notion de « vie privée » et est identique à la relation d’un couple hétérosexuel, dans laquelle la Cour ne peut interférer.
La CJCE a souligné qu’elle ne cherchait pas à influencer la législation particulière d’un pays de l’UE et que les tribunaux des pays eux-mêmes avaient le pouvoir de décider si le mariage homosexuel était légal ou non.
Néanmoins, la question soulevée dans cette affaire concernait la liberté de circulation et permet désormais aux couples homosexuels de se déplacer n’importe où dans l’Union européenne, même si certains de ces pays ne reconnaissent pas leur mariage.
L’arrêt de la CJCE a été applaudi par les groupes de défense des droits des personnes LGBTQ+. Toutefois, des groupes populistes de droite issus de pays plus conservateurs tels que la Pologne, la Hongrie et la Lettonie ont condamné la décision, estimant que Bruxelles ne pouvait pas interférer avec leur législation et modifier la définition du mariage. Selon eux, c’est aux pays eux-mêmes de décider de la signification du mariage, et non à Bruxelles.